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Le 16 février 2021

Une pandémie révélatrice

La pandémie qui rythme notre quotidien depuis plusieurs mois semble agir comme un révélateur, voire un accélérateur, de fragilités individuelles et sociales, d’errements médiatiques et politiques, d’impasses intellectuelles, et aussi d’indigences ecclésiales. Extrait du rapport du directeur à l’assemblée générale de l’IBN.

 

Si l’Institut Biblique veut former de façon pertinente les responsables évangéliques, il ne peut ignorer avec quelle pâte il travaille s’il veut mieux cerner l’objectif à poursuivre dans son ministère. Ce que la situation sanitaire, avec toutes ses contraintes, met en lumière dans nos Églises et plus largement dans notre mouvement évangélique l’intéresse donc au premier chef.

 

DES ÉGLISES… VIRTUELLES !

 

Ce qu’Internet n’a pas réussi à faire au cours des années, la pandémie l’a accompli : transformer nos Églises en assemblées virtuelles ! Je grossis le trait à dessein pour vous faire toucher du doigt une réalité préoccupante : les cultes à distance, en totalité ou en partie, consacrent ce qu’il y a de plus regrettable dans notre mouvement évangélique, la consommation religieuse. Je veux parler ici d’une tendance à transformer le culte en spectacle pour attirer et fidéliser un auditoire. Pour y parvenir, il faut certes travailler, mais aussi avoir du charisme, des moyens humains et financiers et un auditoire nombreux et enthousiaste. Le passage à l’écran pour raisons sanitaires a renforcé une tentation déjà présente dans ces cultes-spectacle : soigner surtout les apparences. C’est ainsi qu’une partie non-négligeable des auditoires de nos modestes communautés profitent de la multiplicité de l’offre sur Zoom ou sur YouTube pour aller voir si l’herbe n’est pas plus verte chez le voisin. D’un clic, chacun peut suivre de son canapé au choix Hillsong-Paris, MLK à Créteil, l’Église baptiste de Pontault-Combault… Et chacun de ressortir fasciné par la performance du groupe de louange, des animateurs ou du prédicateur. Comment ne pas se sentir alors frustré d’appartenir à une Église qui, certes, met beaucoup de bonne volonté dans la préparation de ses célébrations mais ne parvient guère à soutenir la comparaison ? Et ce qui retenait chacun de trop papillonner jusqu’ici, la dimension personnelle des relations humaines, la chaleur de la communion fraternelle, le souci mutuel souvent présents dans nos modestes communautés, étant mis à mal par les contraintes sanitaires, nous sommes tentés d’aller chercher ailleurs de quoi nous faire vibrer. Et de trahir ainsi notre vocation de membre du corps de Christ en nous transformant en simples spectateurs. La pandémie ne serait-elle pas en train de redistribuer les cartes au profit de quelques Églises phares et d’appauvrir le réseau des « petites » Églises si nécessaires à l’apprentissage de l’amour fraternel et au témoignage de proximité ? Je le crains.

 

LE CŒUR PLUS QUE LA TECHNIQUE

 

Ce constat nous conduit, à l’Institut, à relativiser la centralité de la technique au profit du cœur au sens biblique du terme dans la formation au ministère. Il importe assez peu que nos étudiants sachent utiliser une application de visioconférence ou diffuser un culte sur YouTube. Après tout, ils trouveront dans l’Église ou dans l’œuvre dont ils auront la charge des passionnés qui le feront beaucoup mieux qu’eux. Par contre, il est essentiel qu’ils apprennent à discerner ce qui est important et à ne pas le perdre de vue quand l’adversité survient. Comment rompre l’isolement des confinés ? Comment faire vivre la communion fraternelle quand l’Église est durablement dispersée ? Comment cultiver l’espérance quand l’horizon se limite à la prochaine vague de l’épidémie ou à l’arrivée d’un vaccin ? Seul un cœur nourri de la pensée du Seigneur, exercé à discerner les temps et les moments et rempli de l’amour de Dieu par le Saint-Esprit trouvera les voies et moyens de faire vivre l’Église dans de telles circonstances.

Etienne Lhermenault

IBphile de janvier 2021