Attendre… avec foi
Méditation sur la résurrection de Lazare (Jean 11).
Cela faisait 4 jours, 4 longs jours que Marthe attendait Jésus.
96h, 5760 minutes, depuis qu’elle avait fait chercher Jésus parce que son frère était malade. Il semble que Jésus s’était lié d’amitié[1] avec la famille de Marthe, de Marie et de Lazare qui habitait à Béthanie, une ville proche de Jérusalem. Pourtant en ces heures sombre de maladie, puis de décès de Lazare, Jésus n’était pas là.
4 jours étaient passés. Au-delà de la tristesse de Marthe et Marie s’ajoutait de la colère ou au moins la déception à cause de l’arrivée tardive de Jésus. Marthe et sa sœur Marie ont dû en parler, car l’une et l’autre disent la même chose : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort » (v. 21 et v 32).
Jésus savait qu’il pouvait intervenir même là où il n’y avait plus d’espoir, alors il annonce la résurrection de Lazare. Marthe croit, elle sait que Jésus peut faire des miracles, et elle affirme avec certitude que son frère ressuscitera au dernier jour.
Mais contre toute attente, alors que Marthe parle de la résurrection comme d’un événement futur, Jésus lui répond non par l’affirmation d’un évènement à venir, mais il présente sa personne.
Jean 11.25 :
25– Je suis la résurrection et la vie, lui dit Jésus. Celui qui place toute sa confiance en moi vivra, même s’il meurt. 26Et tout homme qui vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ?
L’expression utilisée (ἐγώ, moi: εἰμί, je suis), n’est pas innocente.
C’est la cinquième déclaration en « Je suis » de l’Évangile de Jean, la cinquième fois où jésus affirme son égalité avec Dieu en utilisant l’expression que Dieu avait révélé à Moïse dans le buisson ardent. En effet, Moïse avait demandé à Dieu, qui es-tu et Dieu avait répondu : Je suiiiiiiiiiiiiiis.
Jésus reprend donc à son compte cette expression divine « je suis » et affirme qu’il a autorité sur la vie et sur la mort.[2] Et comme pour attester cette réalité, Jésus demande alors qu’on le conduise au tombeau (11.34). Et alors que tout le monde supposait qu’il s’agissait d’un simple geste de respect envers le mort, Jésus ordonne : Ôtez la pierre (11.39) , ce qui surprit probablement les personnes présentes. Imaginez-vous un instant dans la foule…
Tu as entendu la même chose que moi ? Quoi ?
Mais il est fou ? C’est quoi cette histoire ?
Marthe qui avait confessé sa foi en Christ hésite… En tant que sœur du mort, elle éprouve une sorte d’embarras et de confusion. Et on peut la comprendre…
En effet, l’attente de l’arrivée de Jésus n’avait certainement pas empêché d’accomplir la cérémonie mortuaire où l’on enveloppait le corps de parfums, ce qui ne pouvait pas arrêter la corruption à la longue. Elle savait donc ce qu’il en était à l’intérieur du caveau…
Peut-être une précision ici… Selon une croyance largement répandue à l’époque, et rapportée par les Midrashim, l’âme restait près du corps au cours des trois jours suivant la mort, espérant avoir l’occasion d’y retourner. Mais ensuite, elle partait pour de bon, laissant la personne irrémédiablement morte. Tout le monde savait que Lazare était donc véritablement décédé. C’est vrai que Jésus avait déjà ressuscité la fille de Jaïrus, mais celle-ci venait tout juste de mourir et était encore dans la maison familiale. Pour Lazare, il fallait ouvrir le tombeau. Ça paraissait totalement déraisonnable.
Mais encouragée par Jésus dans ce temps de doute elle le laisse faire.
Et après sa prière, Jésus cria simplement : Lazare, sors ! (11.43). Comme on tire un homme du sommeil en l’appelant par son nom, ainsi Jésus retire Lazare de la mort. Jésus l’appelle avec force parce qu’il désirait que la foule, qui se tenait là, entende ses paroles de résurrection et l’appel à quitter le domaine de la mort pour celui de la vie.
Lazare était désormais en vie…
– Ce miracle est le dernier des 7 signes de l’Évangile de Jean qui attestent de la divinité de Jésus-Christ. Ce miracle si impressionnant sera le signe de trop pour les pharisiens et des chefs des prêtres qui en Jean 11.47 diront qu’il faut maintenant agir pour arrêter cet homme. C’est ce miracle qui va faire pencher de façon définitive la balance contre Jésus. Ce qui est d’ailleurs étonnant, car il aurait dû les convaincre que Christ est le Messie.
– Pour beaucoup de commentateurs, cet épisode représente l’apogée du ministère public de Christ et en tous les cas le « pivot »[3] de l’évangile de Jean. A partir de là Jésus avance inexorablement vers la Croix et vers sa propre mort.
Quelques jours plus tard, Jésus sera arrêté, torturé et crucifié.
Jésus ne restera pas mort. Et on peut dire que sa résurrection est préfigurée ici par celle de Lazare. C’est pour cela d’ailleurs que Jésus affirme que cet épisode est en lien avec la gloire de Dieu. Cette résurrection va permettre aux gens de réaliser la puissance de Dieu, et que le Seigneur est la résurrection et la vie.
Parce qu’il est vivant, la question posée à Marthe résonne pour nous.
« 25Je suis la résurrection et la vie, lui dit Jésus. Celui qui place toute sa confiance en moi vivra, même s’il meurt. 26Et tout homme qui vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? »
Croire pour Marthe, ça n’a pas été simplement une histoire d’adhésion philosophique… Elle a dû laisser le caveau de son frère être ouvert. Sa foi a eu une répercussion pratique très forte.
De même notre foi a des conséquences pratiques. D’abord,
– parce que nous croyons que Jésus-Christ est vivant nous pouvons lui parler. La prière, qu’elle soit spontanée ou adossée à ce que d’autres ont écrit avant nous est un moyen fantastique de pouvoir vivre une relation avec Jésus-Christ.
– Parce que Jésus-Christ est vivant nous pouvons aussi – seul et ensemble – l’adorer et lui exprimer notre reconnaissance. Tout comme Thomas a pu le toucher, et dire « mon Seigneur et mon Dieu », comme Marthe a exprimé sa foi, nous pouvons à notre tour dire notre foi, et la vivre au quotidien, avec ce qu’elle peut induire d’inconfortable parfois, quand Dieu nous demande de marcher à contre-courant en lui faisant confiance.
– Parce que Jésus-Christ est vie, nous savons que la mort ne peut avoir le dernier mot. Elle n’est que passage vers la présence du Seigneur, lui qui est actuellement le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Ils sont en vie en sa présence et nous le serons aussi pour l’éternité.
– Parce que Jésus-Christ est résurrection, nous avons aussi la certitude, par la foi, que nous ressusciterons nous aussi. Le dernier jour comme le disait Marthe.
– Mais parce que Jésus-Christ est résurrection et vie, nous pouvons aussi nous appuyer sur lui pour des situations de détresse, d’angoisse et de mort que nous ou des personnes autour de nous vivent. Christ peut apporter la vie, comme il l’a apporté à Lazare, mais aussi à Marthe et Marie…. Et il nous appelle à porter cette vie autour de nous…
En ce début d’année c’est avec foi que nous voulons répondre à la question de Jésus-Christ et en même temps lui présenter toutes ces situations impossibles que nous voyons dans nos familles, dans nos communautés, dans nos villes, mais aussi dans le monde, déchiré de tant de manières.
Et s’il ne répond pas immédiatement, ce n’est pas qu’il est dans l’incapacité d’agir. Ce n’est pas non plus qu’il ne nous aime pas. Parfois nous devons attendre son intervention, comme Marthe et Marie ont dû attendre dans l’incompréhension… mais attendre avec foi, dans l’espérance de son intervention ou de son arrivée qui changera tout. C’est ce que nous sommes invités à faire ensemble, en gardant les yeux fixés aussi sur l’espérance fantastique qui nous attend, en Christ seul.
Conclusion :
25
– Je suis la résurrection et la vie, lui dit Jésus. Celui qui place toute sa confiance en moi vivra, même s’il meurt. 26Et tout homme qui vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ?
[1] La manière dont les sœurs présentent leur frère, comme celui que Jésus aime (BC, TOB), son ami (BS, NBS), est touchante. Cette façon de parler lève le voile sur des amitiés et des relations à peine évoquées dans les évangiles (CARSON D, Commentaire de l’évangile de Jean, éd. Excelsis, p.529)
[2] Samuel M. Ngewa, « Jean », in Commentaire biblique contemporain, ed. Tokunboh Adeyemo (Marne la Vallée: Éditions Farel, 2008), 1375–1376.
[3] SOUZA Robert